DSN de substitution : “un changement de paradigme majeur”

Dans son édition de décembre 2025, le magazine L’Expert, trimestriel de référence pour les professionnels de l’expertise comptable et de l’audit, a interrogé Muriel Marques, VP Produits Paie chez Silae, au sujet d’une nouvelle révolution dans la gestion de la paie : la DSN de substitution. Elle revient en détail sur les enjeux majeurs de cette réforme, qui redéfinit la gestion du risque déclaratif, et que Silae a pu anticiper afin de garantir à ses partenaires un haut niveau d’accompagnement dans la conformité en paie.

La DSN de substitution est présentée comme une révolution dans la gestion sociale. Pourquoi une telle réforme ?

Muriel Marques : Tout est parti du décret du 29 décembre 2023 qui donne la possibilité aux organismes de corriger des données à la place de l’employeur. Il faut comprendre que depuis 2017, la DSN a révolutionné les obligations sociales des entreprises, mais un problème persiste : les erreurs s’accumulent malgré les signalements. Aujourd’hui, lorsque l’URSSAF détecte des anomalies via les Comptes-Rendus Métier (CRM), nombreuses sont les entreprises qui ne corrigent pas ces erreurs, faute de temps ou de maîtrise technique. Le résultat, ce sont des données sociales dégradées qui impactent directement les droits des salariés, que ce soit pour la retraite, le chômage ou les indemnités journalières. La DSN de substitution est donc la réponse de l’administration à cette problématique : si vous ne corrigez pas, l’URSSAF le fera à votre place, avec les conséquences financières qui en découlent. C’est vraiment un changement de paradigme majeur.  

Cela signifie-t-il qu’il y avait tant d’anomalies que cela dans les déclarations ?

M.M. : Le problème n’est pas tant le nombre d’anomalies que le manque d’attention accordé aux CRM et à leur traitement. Le gestionnaire de paie déclare sa DSN, celle-ci est acceptée et il passe à la paie suivante sans prendre le temps d’analyser les anomalies remontées par les organismes. Il faut aussi considérer le contexte : le périmètre de la DSN n’a cessé de croître, remplaçant aujourd’hui près de quatre-vingts formalités. Ces données impactent directement les cotisations des entreprises et les droits des salariés. Les organismes exercent donc une pression croissante sur la qualité des données, car sans elle, les systèmes d’information ne sont pas à jour et des problèmes peuvent survenir sur les cotisations et droits sociaux.  

Quel est selon vous le niveau de préparation des entreprises françaises face à cette réforme ?

M.M. : Comme éditeur en modèle intermédié via experts-comptables et intégrateurs, nous constatons une préparation très hétérogène. Les grands groupes anticipent mieux les transformations réglementaires, tandis que les TPE-PME restent souvent peu outillées pour corriger les anomalies. La DSN de substitution renforce ainsi le rôle de tiers de confiance des experts-comptables et intégrateurs, sur qui repose une vigilance accrue dans la déclaration des données. Par ailleurs, les organismes mettent progressivement en place davantage de contrôles qualité, générant des retours (CRM) demandant vérifications et corrections.  

Concrètement, quel est le calendrier de mise en œuvre ?

M.M. : La première vague de DSN de substitution va réellement démarrer en 2026, mais le processus commence dès maintenant. Tout au long de l’année 2025, chaque fois qu’un déclarant envoie une DSN, il reçoit en retour des Comptes-Rendus Métier avec potentiellement des anomalies. Les déclarants sont supposés corriger ces anomalies au fil de l’eau.  

En mars 2026, les organismes vont faire ce qu’ils appellent un CRM de rappel. Ils vont transmettre au déclarant un compte-rendu récapitulant toutes les anomalies de 2025 qui n’ont pas encore été corrigées. À partir de là, l’employeur va devoir soit corriger, soit contester s’il n’est pas d’accord. Il aura deux mois pour réagir. Et à l’issue de ces deux mois, s’il n’a toujours rien fait, les organismes pourront déclencher sur certaines anomalies une DSN de substitution.  

Nous anticipons donc une charge de travail accrue côté équipes paie entre mars et mai 2026, avec une grosse pression organisationnelle sur les traitements correctifs. C’est une fenêtre de tir très petite qui ne laisse pas beaucoup de place pour faire des tests ou prendre du retard.  

Comment les experts-comptables vont-ils gérer cette charge de travail supplémentaire, alors même qu’ils ont des difficultés de recrutement ?

M.M. : C’est une préoccupation légitime. On va effectivement avoir une charge accrue sur mars, avril, mai 2026 pour pouvoir faire ces contestations et corrections. Mais en réalité, si l’on traite ces anomalies au fur et à mesure de la réception des CRM, la charge se lisse complètement. Elle sera quand même importante parce que c’est nouveau, mais nous œuvrons actuellement pour mettre des outils et de la pédagogie en place afin de traiter au fil de l’eau. Idéalement, le CRM de rappel en mars 2026 devrait contenir zéro anomalie et donc zéro potentielle DSN de substitution derrière.   

Que risquent les entreprises lorsqu’une DSN de substitution intervient ?

M.M. :  Quand une entreprise déclare un montant A et que l’URSSAF ou la MSA estiment qu’il aurait dû être B, elles substituent A par B et renvoient une DSN de substitution aux organismes gérant la retraite (CNAV et Agirc-Arrco) afin de leur permettre d’actualiser les droits des salariés. Ensuite, l’URSSAF et la MSA informeront l’employeur des corrections réalisées grâce à un CRM « post-substitution » (prévu à partir de septembre 2026). Le format définitif de ce CRM reste en discussion avec les organismes. Aucune sanction n’est annoncée pour les entreprises, mais des redressements peuvent survenir si le montant corrigé est supérieur au montant déclaré. Pour les salariés, il n’y a pas de risque : la substitution corrige d’éventuelles erreurs qui pouvaient affecter leurs droits, même s’il est préférable que les données soient justes dès le départ.  

Quelles données sont concernées par cette substitution ? Est-ce que le périmètre risque de s’élargir ?

M.M. : Dès l’an prochain, la substitution concernera les données liées à la retraite, notamment les bases de cotisation. Une extension est probable, mais aucune information précise n’est disponible. Un travail d’harmonisation des contrôles est en cours : un référentiel commun publié en juillet vise à aligner et rationaliser les pratiques entre organismes pour éviter doublons et incohérences. Cette harmonisation représente un levier majeur de simplification pour les déclarants, offrant un cadre de contrôle plus cohérent, lisible et homogène, et contribuant à améliorer la qualité des données.  

Comment accompagnez-vous vos clients face à cette transformation ?

M.M. : Nous menons actuellement un important travail de pédagogie, car la maîtrise du sujet varie fortement. Nous donnons de la visibilité à nos utilisateurs, experts-comptables et gestionnaires de paie, et leur fournissons des outils pour comprendre et traiter les anomalies, en préventif comme en correctif. Un plan d’accompagnement complet a été déployé (modes opératoires, guides, kits pratiques, tutoriels). Le sujet reste technique et encore peu médiatisé, mais nos échanges partout en France permettent aux clients de mieux comprendre les enjeux et les actions à mettre en place pour limiter les DSN de substitution. Avec de bons processus et un traitement des anomalies au fil de l’eau, il est possible d’éviter ces substitutions.  

Le métier de gestionnaire de paie est-il en train d’évoluer ?

M.M. : Absolument. Avec la pression sur la qualité des données, le gestionnaire de paie consacre désormais plus de temps au pilotage de la donnée et à la conformité déclarative qu’à la seule production de la paie. Un bulletin juste ne suffit plus : la déclaration doit l’être aussi pour alimenter correctement les organismes et garantir les droits des salariés. Le traitement des CRM devient ainsi une étape indispensable du cycle de paie, et non plus optionnelle.  

Quels conseils donneriez-vous aux professionnels pour se préparer au mieux à cette réforme ?

M.M. Nos conseils s’adressent principalement aux experts-comptables et intégrateurs plutôt qu’aux entreprises finales. Le premier conseil est de se former sur ce sujet encore méconnu, car la substitution de données par un organisme est une nouveauté qu’il faut bien comprendre. Le deuxième conseil est d’intégrer le suivi et le traitement des CRM comme une étape à part entière du cycle de paie, au même titre que le contrôle du bulletin. Enfin le troisième point c’est d’instaurer des actions préventives face aux anomalies détectées pour éviter leur récurrence. Avec nos outils et notre pédagogie, notre objectif est de créer un système vertueux basé sur l’amélioration continue.   

Comment se passent vos relations avec les organismes et l’Ordre des experts-comptables sur ce sujet ?

M.M. : Nous avons des échanges réguliers avec les organismes et l’Ordre des experts-comptables, aux niveaux national et régional. Nous leur transmettons notre expertise d’éditeur et expliquons l’évolution de nos produits face à cette nouvelle complexité. Identifiés comme acteur référent, nous participons à de nombreux groupes de travail avec les organismes dans une démarche de co-construction. Ces échanges permanents nous permettent d’adapter notre solution en continu, toujours dans un objectif préventif pour minimiser l’impact des anomalies sur nos clients et affiner la pertinence des contrôles.  

Vous avez également créé une Silae Académie. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M.M. : En effet, face à l’évolution du métier de gestionnaire de paie et aux nouvelles exigences en expertise réglementaire et analytique, nous avons créé la Silae Académie. Ce parcours de formation modulaire permet à tout gestionnaire de paie ou partenaire Silae d’attester son expertise par une certification validant ses compétences professionnelles, renouvelable plusieurs fois. Conscients de la transformation du métier, nous souhaitons l’accompagner dans cette mise à niveau nécessaire. C’est également dans notre intérêt d’éditeur d’avoir des gestionnaires de paie maîtrisant bien nos outils.  

   

(*) Le décret n° 2023-1384 du 29 décembre 2023  

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