Interview initialement publiée sur RH Newstank le 14 octobre 2025 – reproduction avec autorisation
« Nous ne constatons pas d’impact significatif sur notre chiffre d’affaires. Migrer d’une solution de paie à une autre représente un investissement humain considérable pour un cabinet. Ce n’est pas une décision prise à la légère. »
« Nous avons monté une équipe dédiée à l’intelligence artificielle avec un objectif audacieux : doubler la vitesse de production de la paie de nos partenaires. C’est un nouveau levier pour accompagner la croissance de nos partenaires experts-comptables. »
Parmi les projets en cours de développement, Silae prévoit d’investir dans :
« Le partenariat Silae-Cegid n’est pas une fusion, ni un rapprochement capitalistique. Nous avons simplement voulu mieux aligner nos technologies. Pour des raisons historiques, nous n’avions pas le même degré d’intégration par API. Cela n’avait pas de sens. »
Après 10 ans chez Apple, je suis rentré en France au début des années 2000 pour créer TempoSoft, ma première société dans le domaine de la planification RH. Depuis 20 ans, j’évolue à l’intersection de la transformation et des technologies. C’est dans ce contexte que j’ai collaboré avec des acteurs du Private Equity. Quand Silver Lake [NDLR : fonds d’investissement qui est actionnaire à 100% de Silae] m’a proposé de prendre les rênes de Silae, le challenge m’a semblé intéressant et stimulant.
Silae a bâti une solution de paie reconnue pour sa robustesse. Ma mission est de lui donner une nouvelle dimension. Et je vois trois axes structurants : La simplicité et la productivité : nous poursuivons nos efforts sur le module SIRH et la gestion de la paie, avec l’ultime objectif de libérer du temps et des ressources pour nos partenaires.
La création de valeur au-delà de la paie : nous lançons notamment une offre de mutuelle et prévoyance et ambitionnons de développer et déployer des modules thématiques dans les titres-restaurants, l’épargne salariale et l’acompte sur salaire… Nous voulons assumer la dimension FinTech de Silae.
Le troisième axe est le développement international : nous avons acquis deux sociétés en Espagne et regardons activement d’autres opportunités en Europe.
Courant 2024, l’entreprise a traversé une étape sensible à piloter, marquée par une évolution tarifaire des solutions, sans doute nécessaire, mais dont la communication auprès de la clientèle aurait pu être davantage clarifiée et structurée.
Le Congrès de septembre 2025 s’est très bien passé. En amont, nous avions multiplié les échanges avec l’Ordre et nos partenaires dans une démarche d’écoute bienveillante et de compréhension de nos enjeux mutuels.
Il est évident pour mes équipes et moi que Silae doit son succès aux experts-comptables. Notre priorité est de renforcer ce lien de confiance.
C’est dans cette logique partenariale que nous avons développé le programme TPE+, en collaboration avec Damien Charrier, président du Conseil National de l’Ordre des Experts-comptables, pour adapter notre modèle aux spécificités des petites structures (1 à 9 salariés), où le temps de gestion est proportionnellement plus long. Ce dispositif, sans engagement supplémentaire, vise à valoriser la fidélité de nos partenaires, soutenir la croissance des cabinets et accompagner la transition numérique des TPE. Basé sur deux critères simples — l’évolution du volume de production et le taux d’activation de mySilae Entreprise — il permettra à nos partenaires d’obtenir une remise tarifaire sur leurs dossiers « 1 à 9 salariés ».
Par ailleurs, nous avons mis en place une stratégie modulaire optionnelle, avec des services additionnels sans augmentation tarifaire imposée. Dans ce cadre, chaque expert-comptable construit son offre selon ses besoins.
Nous ne constatons pas d’impact significatif sur notre chiffre d’affaires. Migrer d’une solution de paie à une autre représente un investissement humain considérable pour un cabinet – ce n’est pas une décision prise à la légère.
Il est vrai qu’une telle situation a pu ouvrir une brèche pour la concurrence, mais notre réponse n’est pas le repli, c’est l’offensive par la valeur. Nous devons prouver que notre solution, potentiellement plus coûteuse sur certains aspects, est infiniment plus riche grâce aux nouveaux services qui sont également rémunérateurs pour nos partenaires.
Nous avons d’ailleurs monté une équipe dédiée à l’IA avec un objectif audacieux : doubler la vitesse de production de la paie de nos partenaires. C’est un nouveau levier pour accompagner la croissance de nos partenaires experts-comptables.
Notre premier challenge est de maintenir notre position de leader en conservant la confiance de nos partenaires et de nos clients, et surtout en creusant l’écart par une avance technologique constante. Nous sommes conscients que certains experts-comptables explorent des alternatives … À nous de nous affirmer comme un acteur incontournable.
Si on schématise le marché de la santé et de la prévoyance, on retrouve les grands acteurs mutualistes, les courtiers intermédiaires qui poussent ce type de solutions ou les courtiers qui commercialisent leurs offres en direct. Certains nouveaux acteurs ont brillamment digitalisé l’expérience côté salarié. Notre approche est de nous différencier par une intégration totale et native à la paie.
Aujourd’hui, un gestionnaire de paie passe en moyenne 25% de son temps à gérer la mutuelle, un processus souvent lourd et mal intégré. Avec mySilae Santé, nous éliminons cette complexité : la solution est conçue avec la paie. L’onboarding et la mise en conformité sont drastiquement simplifiés. Nous digitalisons l’ensemble de la chaîne, offrant une expérience épurée tant pour le chef d’entreprise que pour le salarié.
Nous avons construit mySilae Santé en partenariat avec des acteurs mutualistes français historiques, à taille humaine et à but non lucratif – CCMO Mutuelle, UNÉO et l’UNMI – qui partagent notre modèle de redistribution et de transparence. Dans une logique d’accessibilité et d’attractivité, cette offre a vocation à être enrichie au fil du temps avec l’intégration de nouveaux partenaires afin de répondre toujours plus précisément aux besoins des entreprises clientes. Nous traitons quelques conventions pour le moment mais nous souhaitons en couvrir une centaine d’ici la fin de l’année.
MySilae Santé marque un véritable tournant stratégique : nous sortons de la paie pour investir des territoires connexes à forte valeur ajoutée. Après l’annonce en septembre, la solution est quasiment finalisée Les premiers clients sont attendus fin 2025, avec une montée en puissance en 2026, et une pleine maturité atteinte en 2027-2028.
C’est ambitieux, c’est une vraie transformation, et elle s’appuie sur notre force technologique. Par ailleurs, l’entreprise est saine et nous avons la capacité de financer l’ensemble de ces projets.
Nous privilégions un développement organique pour la France. Bien sûr, nous restons ouverts aux opportunités de croissance externe, à condition que le M&A soit intelligent, misant sur l’intégration technologique et la complémentarité des équipes et des produits. Pour rappel, nous avons acquis 2 sociétés en Espagne – nous regardons aujourd’hui les capacités que nous pourrions déployer dans d’autres pays connexes en Europe.
Pour les échéances :
C’est justement une opportunité ! Les principaux acteurs se sont concentrés sur les grandes entreprises, le segment le plus rentable et le plus simple. Nous voulons démocratiser l’accès pour les petites structures.
La force de Silae est notre réseau de proximité avec les experts-comptables, qui nous connecte naturellement aux TPE et PME. Nous devrons évidemment accompagner nos partenaires sur ce sujet qui s’éloigne de leurs missions traditionnelles. L’application mobile mySilae facilitera l’adoption côté salarié.
Absolument. C’est un tournant pour toute la profession. Cette évolution majeure représente un risque significatif pour nos clients et partenaires. Les experts-comptables en sont parfaitement conscients.
D’un point de vue concurrentiel, certains acteurs historiques qui n’ont pas suffisamment investi sur la paie ne seront pas en mesure de relever ce défi. Chez Silae, nous avons pris de l’avance. Nos équipes travaillent depuis des mois sur sa mise en place, en collaboration directe avec les organismes concernés. Les changements structurels requis touchent le cœur du logiciel : c’est complexe, mais nous sommes prêts.
Nous avons dépassé le stade du simple chatbot. Ma conviction est que l’IA transformera en profondeur le métier de gestionnaire de paie.
Nous avons repensé l’intégralité du processus de production de la paie et l’avons intégré dans un nouveau tableau de bord de supervision. Le gestionnaire peut mieux structurer son travail et automatiser tout ou partie des process selon ses besoins.
Prenons la gestion des éléments variables de paie. Traditionnellement, le gestionnaire court après ses clients pour récupérer les données. Notre outil analysera automatiquement sa boîte mail, traitera les informations et effectuera les tâches. Relance, contrôle, validation… De nombreuses tâches peuvent être automatisées avec peu ou pas d’intervention.
Par ailleurs, nous poursuivons nos efforts pour combiner à terme information légale, bases de connaissance et historique des salaires, et fournir des explications précises aux chefs d’entreprise ou aux salariés sur leurs bulletins de paie.
En réalité, nous avons déjà dépassé l’IA conversationnelle pour aller vers l’IA agentique. Nous avons déployé une dizaine d’agents spécifiques (juridique, information légale, validation) qui récupèrent, vérifient et interagissent directement avec le client et le gestionnaire pour accélérer la prise de décision.
Ce partenariat n’est pas une fusion, ni un rapprochement capitalistique. Nous avons simplement voulu mieux aligner nos technologies.
Pour des raisons historiques, nous n’avions pas le même degré d’intégration par API. Cela n’avait pas de sens. L’accord que nous avons annoncé est une remise à niveau technique. Nous harmonisons notre proposition technologique autour d’un partenariat qui n’est ni exclusif ni limitatif, et qui vient compléter un réseau de partenariats déjà établis avec d’autres acteurs du marché, dans l’intérêt direct de la profession.
L’objectif est de mieux servir nos partenaires experts-comptables qui travaillent potentiellement avec les deux solutions, en assurant une meilleure intégration. Nous sommes ouverts à d’autres collaborations avec Cegid, mais toujours en maintenant une distance stratégique et concurrentielle.